Journal intime d'une liberée.

On est là, assis comme deux cons sur le canapé. 

On attends, sans dire un mot, que le téléphone sonne.

Ca fait déjà plusieurs heures que ça dure. Le silence est particulièrement pesant.

J'suis fatiguée de tout ça. J'ai même plus envie de me battre. J'veux même plus savoir qui a tort ou raison dans l'histoire. J'veux que ça cesse.

J'veux qu'il parte. J'veux dormir. J'veux que tu sois là, à mes côtés.

J'veux juste mener une existence tranquille, loin de tout probléme.

J't'en veux. De m'entrainer dans tes embrouilles.

J'lui en veux. D'être là, à obeir comme un chien sans piper mot.

J'crois que l'homme a côté de moi, ressent ma fatigue.

- J'vais y aller. Mais n'oublie pas que je pourrais revenir. Il veut ses sous.

La porte claque. Je me retrouve à nouveau seule dans cet appartement.

J'ai même pas la force de me lever fermer à clé la porte. 

Je m'endors sur le canapé. Comme si, tout ça, n'était qu'un cauchemar; une illusion.  

Personne n'est venu. 

Il faut que j'arrête ma parano.

Pourtant, je sens que je dois rester sur mes gardes. Je file au boulot, mon portable à la main.

J'aimerais bien que tu m'appelles Ju, juste histoire de me dire que tu va bien.

Est-ce que ta promenade s'est passé normalement? Est-ce qu'il n'y avait personne qui t'attendais pour te tomber dessus?

Mon téléphone ne sonnera pas aujourd'hui. Ni lui, ni toi. Je sais pas si je dois être soulagée, ou encore plus inquiéte.

Je ferme la porte du bureau, et traverse la place pour rentrer à la maison. Au loin, une silhouette m'est familiére. Tiens, je suis persuadée d'avoir déjà rencontré cet homme.

Et si, c'était.. Non, impossible.

"- Bonjour. Ca fait un moment que je t'attendais.

- Tu viens de la part..."

J'ai pas le temps de finir ma phrase, qu'il s'est déjà glissé dans le couloir de l'immeuble...

Mon téléphone sonne. 

Je vois au numéro qui s'affiche que c'est encore lui.. 

J'hésite à décrocher, mais face à son insistance, je céde.

Il me demande comment je vais. Qu'est ce qu'il s'en fou au fond. Je sais pourquoi il m'appelle. Qu'on aille droit au but.

"- T'as les sous?

- Non."

Je sens qu'il s'énerve. L'angoisse se fait sentir de mon côté aussi. Il m'explique qu'il est comme un lion en cage, et que si il est là aujourd'hui, il n'a plus rien à perdre.

"- J'suis pas un enfant de coeur, tu sais. Je veux mes sous."

Je tente vainement de lui expliquer, que je ne lui dois rien.

"-Tu sais, ici, tout se sait trés vite. Ce serait dommage que je sois obligé d'envoyer une équipe chez toi, pour récupérer mon dû.

- Arrête, ça changerais rien. Je ne te dois rien.

- Je veux mes sous. Et mieux vaut que je les récupére, avant que ça n'aille trop loin.

- Comment ça?

- Ce serait dommage que ton copain finisse à l'hopital."

La conversation s'arrête. Je ne veux pas entendre la suite.

Je ne dois pas céder à son chantage.

Je m'endors. Mal. Et si son équipe venait ce soir?  

Je sens que je craque. 

Est-ce que tu réalises la tournure que prend ma vie?

Est-ce que tu changeras à ta sortie,

On dit que la prison détruit les prisonniers, mais elle ronge aussi les proches de détenus.

Tu sais, il est dur à assumer le regard des autres.

Et ce silence, ton silence devient de plus en plus douloureux à supporter.